La règle de Saint Benoît
Les principes de la vie et de la spiritualité monastiques

PROLOGUE

ÉCOUTE, MON FILS !
1 Écoute, mon fils, l'enseignement du maître, ouvre l'oreille de ton coeur ! Accepte volontiers les conseils d'un père qui t'aime
et fais vraiment tout ce qu'il te dit.
2
En travaillant ainsi à obéir, tu reviendras vers Dieu. En effet, en refusant d'obéir par manque de courage, tu étais parti loin de lui.
3
Maintenant, c'est donc à toi que je parle, à toi, c'est-à-dire à tout homme qui renonce à faire sa volonté égoïste
et qui prend les armes très fortes et belles de l'obéissance pour combattre sous les ordres du Christ, le vrai Roi, notre Seigneur.
4
Avant tout, quand tu commences à faire quelque chose de bien, supplie le Seigneur par une très ardente prière de conduire
lui-même cette action jusqu'au bout.
5
Il a bien voulu faire de nous ses enfants. Aussi nous ne devons jamais lui faire de la peine par notre mauvaise conduite.
6
Oui, les dons qu'il a mis en nous, nous devons toujours nous en servir pour lui obéir. Sinon, il sera comme un père en colère
qui punit ses enfants et il nous enlèvera notre héritage.
7 Et même, si nous refusons de le suivre jusqu'à la gloire, il sera comme un maître terrible qui se fâche à cause de nos fautes.
Et il nous condamnera à une punition sans fin comme des serviteurs très mauvais.

OUVRONS NOS YEUX A LA LUMIERE DE DIEU !
8 Levons-nous donc enfin une bonne fois !
La Bible nous réveille en disant : « C'est le moment de sortir du sommeil » (Romains 13, 11).
9 Ouvrons nos yeux à la lumière de Dieu. Laissons la voix puissante de Dieu frapper nos oreilles, et écoutons ce qu'elle nous dit.
Tous les jours elle nous crie :
10 « Aujourd'hui, si vous entendez sa voix, ne fermez pas votre coeur ! » (Psaume 94, 8).
11
Et encore : « Si vous avez des oreilles pour entendre, écoutez ce que l'Esprit dit aux Églises » (Apocalypse 2, 7).
12
Et que dit-il, l'Esprit ? « Venez, mes fils, écoutez-moi ! Je vous enseignerai le respect confiant envers le Seigneur » (Ps 33, 12).
13
Courez pendant que vous avez la lumière de la vie. Alors la nuit de la mort ne vous surprendra pas » (Jean 12, 35).

LE SEIGNEUR CHERCHE SON OUVRIER
14 Le Seigneur cherche pour lui un ouvrier, c'est pourquoi il lance cet appel à la foule. Il dit encore :
15
« Qui veut la vie ? Qui désire le bonheur ? » (Psaume 33, 13).
16
Si tu entends cet appel et si tu réponds : « Moi », Dieu te dit :
17 « Est-ce que tu veux la vraie vie, la vie avec Dieu pour toujours ? Alors,empêche ta langue de dire des paroles méchantes,
interdis à ta bouche de mentir. Tourne le dos au mal et fais le bien. Cherche la paix et poursuis-la toujours » (Psaume 33, 14-15).
18 Quand vous aurez fait cela, mes yeux vous regarderont, mes oreilles écouteront vos prières.
Avant que vous m'appeliez, je dirai : « Me voici ! » (Psaume 33, 16 ; Isaïe 58, 9 ; 65, 24).
19
Frères bien-aimés, qu'elle est douce cette voix du Seigneur qui nous invite !
20
Voyez : dans sa tendresse, le Seigneur nous montre le chemin de la vie (Psaume 15, 10).
21
C'est pourquoi prenons pour ceinture la foi et la pratique des actions bonnes (Éphésiens 6, 14-15).
Laissons-nous conduire par l'Évangile et avançons sur les chemins du Seigneur. Alors nous mériterons de le voir, lui qui nous appelle dans son Royaume (1 Thessaloniciens 2, 12).
22
Si nous voulons habiter chez lui, dans son Royaume, le seul moyen, c'est de courir, et nous courons quand nous faisons des actions bonnes. Sinon, nous n'y parviendrons jamais.

SEIGNEUR, QUI HABITERA DANS TA MAISON ?
23 Avec le Prophète, posons cette question au Seigneur : « Seigneur, qui habitera dans ta maison ?
Qui reposera sur ta sainte montagne ? » (Psaume 14,1).
24
Frères, après cette question, écoutons la réponse du Seigneur qui nous montre le chemin de sa maison.
25
Il nous dit : « Celui qui habitera chez moi, c'est celui qui marche sans pécher et qui accomplit ce qui est juste.
26
C'est celui qui dit la vérité au fond de son coeur et qui ne trompe pas les autres avec sa langue.
27
C'est celui qui ne fait pas de mal aux autres et qui n'est pas d'accord quand on insulte un frère » (Psaume 14, 2-3).
28
C'est aussi celui qui chasse loin des yeux de son coeur l'esprit du mal qui le tente avec les mauvaises pensées qu'il lui donne.
Il jette à terre cet esprit et il détruit ses pensées. Quand elles sont encore toutes petites, et dès qu'elles commencent à le tenter, il les prend et les écrase contre le Christ (Psaumes 14, 4 ; 136, 9).
29
Ces gens-là respectent le Seigneur avec confiance. Alors ils ne se croient pas au-dessus des autres à cause de leur bonne conduite, mais ils reconnaissent une chose : le bien qui est en eux, il ne vient pas d'eux-mêmes mais du Seigneur.
30
Ils rendent gloire au Seigneur qui travaille en eux, et avec le Prophète ils disent : « Seigneur, donne la gloire à ton nom, mais pas à nous, pas à nous ! » (Psaume 113 b, 1).
31
De même, l'apôtre Paul ne pense pas du tout que le succès de ses paroles vient de lui. Il dit : « Je suis devenu l'homme que je suis grâce au don de Dieu » (1 Corinthiens 15, 10).
32
Il dit encore : « Celui qui veut avoir une raison d'être fier, qu'il soit fier dans le Seigneur » (2 Corinthiens 10, 17).
33
C'est pourquoi le Seigneur dit dans l'Évangile : « Celui qui écoute mes paroles et qui les met en pratique, je le compare à un homme sage qui a construit sa maison sur le rocher.
34
Les fleuves ont débordé, le vent a soufflé avec force contre cette maison. Mais la maison n'est pas tombée, parce qu'elle était construite sur le rocher » (Matthieu 7, 24-25).

LE SEIGNEUR ATTEND NOTRE RÉPONSE
35 Voilà ce que le Seigneur nous dit, et maintenant il attend de nous ceci : que, jour après jour, nous répondions par nos actes à ses bons conseils.
36
Si Dieu nous donne encore des jours à vivre, c'est pour nous laisser le temps de corriger notre conduite mauvaise.
37
En effet, l'apôtre Paul écrit : « La patience de Dieu veut t'amener à changer de vie, est-ce que tu ne le sais pas ? » (Romains 2, 4). 38 Et dans sa tendresse, le Seigneur dit : « Je ne veux pas la mort du pécheur. Je veux qu'il revienne à moi et qu'il vive » (Ézékiel 18, 23 ; 33, 11).                       

MAINTENANT OBÉISSONS AUX COMMANDEMENTS DU SEIGNEUR !
39 Frères, nous avons demandé au Seigneur : « Qui habitera dans ta maison ? » Nous avons entendu sa réponse. Il nous a imposé ses conditions pour y habiter. A nous de remplir ces conditions !
40
Préparons donc nos coeurs et nos corps à combattre pour obéir fidèlement aux commandements du Seigneur.
41
Et pour les choses qui nous paraissent trop difficiles, prions le Seigneur de nous aider en nous donnant sa force à lui.
42
Si nous voulons éviter de souffrir loin de Dieu pour toujours, si nous voulons parvenir à la vie qui ne finit pas,
43
il est encore temps. Pendant que nous sommes dans notre corps, nous pouvons faire tout cela avec la lumière de cette vie.
44
Alors, dès maintenant, courons et faisons ce qui nous sera utile pour toujours.

L'ÉCOLE POUR LE SERVICE DU SEIGNEUR
45 C'est pourquoi nous voulons organiser une école pour apprendre à servir le Seigneur.
46
Dans cette école, nous l'espérons, nous n'imposerons rien de dur, rien de pénible.
47
Pourtant, il y aura peut-être des choses un peu plus difficiles pour des raisons justes. En effet, il faut bien corriger les défauts et garder l'amour entre les frères.
48 Mais ne te laisse pas tout de suite troubler par la peur et n'abandonne pas le chemin du salut. Au début il est toujours étroit (Matthieu 7, 14).
49
Mais, à mesure qu'on avance dans la vie religieuse et dans la foi, le coeur devient large. Et l'on se met à courir sur le chemin des commandements de Dieu (Ps 118, 32), le coeur rempli d'un amour si doux qu'il n'y a pas de mots pour le dire.
50
Ainsi, nous n'abandonnerons jamais Dieu, notre maître, et chaque jour, dans le monastère, jusqu'à la mort, nous continuerons à faire ce qu'il nous enseigne. Alors, par la patience, nous participerons aux souffrances du Christ et nous mériterons ainsi d'être avec lui dans son Royaume (Rm 8, 17). AMEN.

1. LES DIFFÉRENTES SORTES DE MOINES

1
Il y a quatre sortes de moines, c'est clair !

LES CÉNOBITES
2 La première est celle des cénobites. Ils vivent ensemble dans un monastère. Ils combattent au service de Dieu, guidés par une Règle et un abbé.

LES ERMITES
3 La deuxième sorte de moines est celle des anachorètes, c'est-à-dire des ermites. Ces moines ne sont plus des débutants dans la première ferveur de leur vie religieuse. Mais, au monastère, on les a éprouvés longtemps
4
et, avec l'aide de beaucoup d'autres, ils ont appris à lutter contre l'esprit du mal.
5
Maintenant ils sont bien entraînés au combat. Alors ils peuvent laisser leurs frères d'armes pour aller lutter seuls dans le désert. Ils sont assez forts. Ils n'ont plus besoin du secours des autres. Dieu les aide. C'est pourquoi ils sont capables de lutter avec leurs seules forces contre les tentations qui viennent du corps et des pensées.

LES SARABAÏTES
6 La troisième sorte de moines est celle des sarabaïtes. C'est une race tout à fait détestable. Aucune Règle n'a éprouvé ces gens-là comme l'or dans le feu (Sg 3, 6). Et pourtant, quand nous pratiquons une Règle, l'expérience nous instruit. Aussi ils sont mous comme du plomb .
7
Par leurs actions, ils montrent qu'ils sont encore attachés au monde. Ils se font raser le crâne, mais c'est un mensonge envers Dieu, on le voit bien !
8
Ils vivent à deux ou trois, ou même seuls, comme des brebis sans berger. Ils sont enfermés dans leur enclos et non dans l'enclos du Seigneur. Faire ce qui leur plaît, voilà leur loi.
9
Toutes les pensées qu'ils ont, toutes les décisions qu'ils prennent, ils les disent saintes. Mais pour les choses qu'ils ne veulent pas faire, ils pensent : « Nous n'avons pas le droit de les faire. »

LES GYROVAGUES
10 La quatrième sorte de moines est celle des gyrovagues, c'est leur nom. Ils passent toute leur vie à courir d'une région à l'autre. Pendant trois ou quatre jours, ils se font loger dans les maisons des moines, tantôt chez les uns, tantôt chez les autres.
11 Ils sont toujours sur les routes, ils ne restent jamais au même endroit. Ils sont esclaves de leurs désirs et ils ne cherchent qu'à bien manger. En tout, ils sont pires que les sarabaïtes.
12
La vie religieuse de tous ces gens-là est très mauvaise. Mieux vaut se taire que d'en parler !
13
Laissons donc ces moines de côté et, avec l'aide du Seigneur, organisons la famille très forte des cénobites.

2.
LES QUALITÉS QUE L'ABBÉ DOIT AVOIR

1
L'abbé, celui qui est digne d'être à la tête du monastère, doit toujours se rappeler le nom qu'on lui donne. Il doit prouver par ses actes son nom de « supérieur ».
2
En effet, au regard de la foi, il tient dans le monastère la place du Christ, puisqu'on l'appelle du même nom que le Christ.
3
L'apôtre Paul écrit : « Vous avez reçu l'Esprit Saint. Il fait de vous des enfants de Dieu et, par l'Esprit, nous crions à Dieu : Abba, Père » (Romains 8, 15).
4
C'est pourquoi l'abbé ne doit rien enseigner, rien établir, rien ordonner en dehors des commandements du Seigneur.
5
Mais ses ordres et ses enseignements agiront comme un ferment pour répandre la justice de Dieu dans le coeur de ses disciples.
6
L'abbé doit toujours se rappeler ceci : le jour terrible où Dieu jugera les hommes, il examinera ces deux choses : son enseignement et l'obéissance de ses disciples.
7
L'abbé doit le savoir : si, parmi ses brebis, le père de famille en trouve une en mauvais état, c'est le berger qui en portera la responsabilité.
8
Au contraire, si le berger se fatigue beaucoup pour des brebis qui ne restent pas tranquilles et qui n'obéissent pas, s'il fait tout ce qu'il peut pour les guérir de leurs actions mauvaises,
9
au jour du jugement, le Seigneur le déclarera innocent. Avec le Prophète, l'abbé dira au Seigneur : « Ta justice, je ne l'ai pas cachée dans mon coeur. Ta vérité et ton salut, je les ai annoncés » (Psaume 39, 11). « Pourtant ces gens-là se sont moqués de mes paroles et ils m'ont méprisé » (Isaïe 1, 2 ; Ézékiel 20, 27).
10
Alors, à la fin, ces brebis qui ont résisté aux soins de l'abbé seront punies par la mort qui les vaincra.

COMMENT L'ABBÉ ENSEIGNE
11 C'est pourquoi, quand quelqu'un reçoit le nom d'« abbé » , il doit conduire ses disciples en les enseignant de deux façons :
12
Tout ce qui est bon et saint, il le montre par ses paroles, et encore plus par son exemple. Pour les disciples qui ont le coeur docile, c'est par ses paroles que l'abbé présente les commandements du Seigneur. Mais pour ceux qui ont le coeur dur et pour ceux qui comprennent moins bien, c'est par son exemple qu'il fait voir les commandements de Dieu.
13
Et quand l'abbé explique à ses disciples ce qui est mal, c'est aussi par son exemple qu'il montre qu'on ne doit pas le faire. Sinon, lui qui enseigne aux autres, il sera condamné (1 Cor. 9, 27).
14
Et s'il commet des péchés, un jour Dieu lui dira : « Tu récites mes commandements : mais pourquoi ? Tu parles de mon alliance : pourquoi donc ? Toi, tu détestes tout règlement. Tu jettes mes paroles derrière toi ! » (Psaume 49, 16-17).
15
Et aussi:« Tu remarques la paille dans l'oeil de ton frère, mais tu ne remarques pas la poutre qui est dans le tien !» (Matthieu 7, 3).

L'ABBÉ AIME TOUS LES FRÈRES SANS FAIRE DE DIFFÉRENCE
16 Dans le monastère, l'abbé ne fera pas de différence entre les moines.
17
Il n'aimera pas un frère plus qu'un autre, sauf s'il en trouve un qui agit mieux ou qui obéit mieux que les autres.
18
Il ne fera pas passer l'homme libre avant celui qui était esclave, sauf pour une bonne raison.
19 Mais si, pour une raison juste, l'abbé pense qu'il faut agir ainsi, il le fera sans tenir compte du rang des frères dans la communauté. En dehors de ce cas, chacun gardera son rang d'entrée au monastère.
20
En effet, esclave ou homme libre, tous nous sommes un dans le Christ (Galates 3, 28) et nous portons tous la charge du même service pour l'unique Seigneur. Non, Dieu ne fait pas de différence entre les hommes (Ac 10, 34 ; Rm 2, 11).
21
La seule chose qui compte à ses yeux, c'est d'être meilleurs que les autres par nos actions bonnes, et d'être humbles.
22
C'est pourquoi l'abbé aimera tous les frères d'un amour égal. Il appliquera les mêmes règles à tous, mais selon les mérites de chacun.

L'ABBÉ TIENT COMPTE DE CHAQUE FRÈRE
23 Dans son enseignement, il doit toujours pratiquer la règle de l'apôtre Paul : « Fais des reproches, encourage, menace »
(2 Timothée 4, 2).
24
Voici ce que cela veut dire : l'abbé change sa façon de faire en tenant compte des moments et des personnes. Il est à la fois doux et exigeant. Il est sévère comme un maître ou affectueux comme un père.
25
Il doit faire des reproches plus durs à ceux qui n'obéissent pas et à ceux qui ne se tiennent pas tranquilles. Mais ceux qui obéissent, qui sont doux et patients, il les encourage à faire encore des progrès. Pour les négligents et pour ceux qui sont pleins de mépris, nous avertissons l'abbé : il doit les menacer et leur faire des reproches.
26
L'abbé ne fermera pas non plus les yeux sur les fautes de ceux qui se conduisent mal. Dès que ces fautes commencent à paraître, il les arrache avec leurs racines, pendant que c'est encore possible. Qu'il se rappelle le malheur d'Éli, le prêtre de Silo !
(1 Samuel 2, 27-34).
27 Les moines qui sont mieux disposés et qui comprennent, l'abbé les corrige par des paroles, en les avertissant une ou deux fois. 28 Mais ceux qui sont méchants, durs et orgueilleux, ceux qui refusent d'obéir, dès qu'ils commencent à faire le mal, il les empêche de continuer. Pour cela, il leur donne des coups, ou bien il punit leurs corps d'une autre façon 1. En effet, il connaît cette parole de la Bible : « Le fou, ce n'est pas avec des paroles qu'on le corrige » (Proverbes 29, 19).
29
Et aussi : « Frappe ton fils avec le bâton. Ainsi tu sauveras sa vie de la mort » (Proverbes 23, 14).

L'ABBÉ CONDUIT LES FRÈRES VERS DIEU
30 L'abbé doit toujours se rappeler ce qu'il est. Il doit toujours se rappeler le nom qu'on lui donne et savoir ceci : « Plus on confie de biens à quelqu'un, plus on lui demande de comptes » (Luc 12, 48).
31
Voici encore ce qu'il doit savoir : la responsabilité qu'il a est bien difficile et pénible ! Il s'agit à la fois de conduire des personnes et de se mettre au service de leurs caractères différents, c'est-à-dire être doux avec celui-ci, menacer celui-là, obtenir l'accord d'un troisième.
32
L'abbé s'adaptera à tous et changera sa façon de faire selon les dispositions et l'intelligence de chacun. Alors il n'y aura pas de perte dans le troupeau que Dieu lui confie. Mais, bien mieux, l'abbé sera dans la joie parce que ce bon troupeau grandit.
33
Avant tout, il ne laissera pas de côté le salut des frères que Dieu lui a confiés. Ce salut, l'abbé ne le regardera pas comme une petite chose, en donnant plus d'importance aux affaires de la terre. Ces affaires passent et elles ne durent pas.
34
Mais il pensera toujours qu'il a reçu la charge de conduire des personnes et qu'il devra en rendre compte.
35
Et si le monastère est pauvre, cela n'est pas une excuse. L'abbé se rappellera cette parole : « Cherchez d'abord le Royaume de Dieu et sa justice, et Dieu vous donnera les autres choses en plus » (Matthieu 6, 33).
36
Et aussi : « Rien ne manque à ceux qui respectent Dieu avec confiance » (Psaume 33, 10).
37
L'abbé doit le savoir : celui qui a reçu la charge de conduire des personnes doit se préparer à en rendre compte.
38
Il peut être responsable de beaucoup de frères ou de peu. En tout cas, c'est certain et il doit le savoir : au jour du jugement, il rendra compte de tous ses frères au Seigneur, et de lui-même aussi, bien sûr !
39
C'est pourquoi, lui, le berger, il craindra toujours l'examen qu'il passera un jour au sujet des brebis que Dieu lui a confiées. Ainsi, en faisant attention aux comptes qu'il va rendre pour les autres, il devient attentif aux comptes qu'il va rendre pour lui-même.
40
En aidant les autres à se corriger par ses remarques, l'abbé lui-même est amené à se corriger de ses défauts.

3. LA RÉUNION DES FRÈRES EN CONSEIL

1
Chaque fois qu'il y a des choses importantes à discuter dans le monastère, l'abbé réunit toute la communauté.
Il présente lui-même l'affaire.
2
Il écoute les avis des frères. Ensuite il réfléchit seul. Puis il fait ce qu'il juge le plus utile.
3
Tous les frères sont appelés au conseil, comme nous l'avons dit. En effet, souvent le Seigneur découvre à un frère plus jeune ce qui est le mieux.
4
Les frères donneront leur avis avec respect et humilité. Ils ne se permettront pas de défendre leurs idées à tout prix.
5
Oui, c'est l'abbé qui décide. Il juge ce qui vaut mieux et tous lui obéiront.
6
Les disciples obéissent au maître, voilà ce qui convient. Mais le maître, lui, doit tout organiser avec prévoyance et justice.
7
En toutes choses donc, tous suivront la Règle. C'est elle qui commande, et personne n'aura l'audace de s'en éloigner.
8
Dans le monastère, aucun frère ne suivra le désir de son coeur à lui.
9
Et personne ne se permettra de s'opposer à son abbé avec orgueil, ni dans le monastère, ni en dehors.
10
Si un moine se le permet, on le punira selon la Règle.
11
Mais l'abbé, lui, fera tout en respectant Dieu avec confiance et il se soumettra à la Règle. Oui, c'est sûr et il le sait, il devra rendre compte de toutes ses décisions à Dieu, le juge parfaitement juste.
12
Quand il s'agit de choses moins importantes pour les besoins du monastère, l'abbé demandera l'avis des anciens seulement.
13
La Bible le dit : « Demande l'avis des autres pour toutes choses. Ensuite, quand c'est fait, tu n'as pas de regret » (Siracide 32, 24).

4. QUELS OUTILS UTILISER POUR FAIRE LE BIEN ?

OBÉIR AUX COMMANDEMENTS DE DIEU
1 Avant tout, « aimer le Seigneur Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de toutes tes forces » (Marc 12, 30).
2 Puis, le prochain comme toi-même. (Marc 12, 31 ; Luc 10, 27).
3 Ensuite, ne pas tuer.
4 Ne pas prendre la femme d'un autre.
5 Ne pas voler.
6 Ne pas désirer avec envie ce que tu n'as pas.
7 Ne pas être un témoin qui ment.
8 Respecter tous les hommes.
9 Ne pas faire aux autres le mal que tu ne veux pas pour toi-même.

DIRE « NON » A TOI-MÊME ET AIMER LES AUTRES
10 Renoncer à toi-même pour suivre le Christ.
11 Mener durement ton corps.
12 Ne pas être gourmand.
13 Aimer le jeûne.
14 Donner à manger aux pauvres.
15 Donner des vêtements à ceux qui sont nus.
16 Visiter les malades.
17 Enterrer les morts.
18 Aider ceux qui sont dans le malheur.
19 Consoler ceux qui souffrent.
20 Te rendre étranger aux affaires du monde.
21 Ne rien préférer à l'amour du Christ.
22 Ne pas agir sous le coup de la colère.
23 Ne pas réserver un moment pour te venger.
24 Ne pas garder la ruse dans ton coeur.
25 Ne pas donner une paix qui est fausse.
26 Ne pas cesser d'aimer.
27 Ne pas jurer : cela évite de trahir ton serment.
28 Dire la vérité dans ton coeur comme dans ta bouche.
29 Ne pas rendre le mal pour le mal.
30 Ne pas être injuste avec les autres. Mais si on est injuste avec toi, souffrir cela avec patience.
31 Aimer tes ennemis.
32 A ceux qui te jettent une malédiction, ne pas répondre par une malédiction,  mais plutôt par une bénédiction.
33 Accepter de souffrir durement pour la justice.
34 Ne pas être orgueilleux.
35 Ne pas aimer le vin.
36 Ne pas aimer manger beaucoup.
37 Ne pas dormir partout.
38 Ne pas être paresseux.
39 Ne pas murmurer.
40 Ne pas dire du mal des autres.

GARDER TON COEUR POUR DIEU
41 Mettre en Dieu ton espérance.
42 Le bien que tu vois en toi, reconnaître qu'il vient de Dieu et non de toi.
43 Le mal, au contraire, savoir que c'est toujours toi qui le fais, et qu'il vient de toi.
44
Craindre le jour du jugement.
45 Avoir très peur de souffrir loin de Dieu pour toujours.
46 Avec toute l'ardeur qui vient de l'Esprit Saint, désirer vivre avec Dieu pour toujours.
47 Chaque jour, avoir la mort devant tes yeux.
48 A chaque moment de ta vie, surveiller ce que tu fais.
49 Partout, être sûr que Dieu te regarde.
50 Dès que des pensées mauvaises arrivent à ton coeur, les détruire tout de suite en les écrasant contre le Christ (Psaume 136, 9),
    puis les découvrir à un ancien qui vit selon l'Esprit de Dieu.
51 Éviter de dire des paroles mauvaises ou qui ne conviennent pas.
52 Ne pas aimer parler beaucoup.
53 Ne pas dire des paroles vides ou seulement pour faire rire.
54 Ne pas aimer rire beaucoup ou trop fort.
55 Écouter volontiers les lectures saintes.
56 Te prosterner souvent pour prier.
57 Chaque jour, dans la prière, avouer à Dieu tes fautes passées en les regrettant beaucoup et en pleurant.
58 Te corriger de ces mêmes fautes à l'avenir.
59 Ne pas céder aux mauvais désirs du corps.
60 Détester ta volonté égoïste.

OBÉIR A L'ABBÉ ET VIVRE DANS LA VÉRITÉ
61 Obéir en tout aux ordres de l'abbé, même si celui-ci se conduit autrement
    - espérons que non ! -. Dans ce cas, rappelle-toi le commandement du Seigneur : 
    « Faites ce qu’ils disent et ne faires pas ce qu’ils font ! » (Mt 23, 3).
62 Ne pas vouloir être appelé saint avant de l'être, mais l'être d'abord.
    Ensuite, on le dira avec plus de vérité.
63 Chaque jour, faire passer dans tes actions les commandements de Dieu.
64 Aimer être pur dans ton coeur et dans ton corps.

AIMER TOUS TES FRÈRES
65 Ne détester personne.
66 Ne pas être jaloux.
67 Ne pas cultiver l'envie.
68 Ne pas aimer les disputes.
69 Fuir tout ce qui te met au-dessus des autres.
70 Avoir un grand respect pour les anciens.
71 Avoir de l'affection pour les plus jeunes.
72 Prier pour tes ennemis parce que tu aimes le Christ.
73 Quand tu t'es disputé avec un frère,
    retrouver la paix avec lui avant le coucher du soleil.
74 Et ne jamais désespérer de la miséricorde de Dieu.

LE MONASTÈRE EST L'ATELIER DU MOINE
75 Voilà les outils qui aident à travailler selon l'Esprit de Dieu.
76
Si nous les utilisons sans arrêt, jour et nuit, et si nous les rendons à Dieu au jour du jugement, alors, en échange, le Seigneur nous donnera la récompense promise.
77
« Ce que personne n'a jamais entendu, voilà ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment » (1 Corinthiens 2, 9).
78
Et l'atelier où nous ferons ce travail avec soin, c'est la clôture du monastère où nous restons pour toujours avec la même communauté.

5. OBÉIR

OBÉIR TOUT DE SUITE
1 Le premier échelon de l'humilité, c'est d'obéir tout de suite.
2 Obéir de cette façon convient à ceux qui pensent : « Nous n’avons rien de plus cher que le Christ. »
3-4 Dès qu'un supérieur leur commande quelque chose, ils ne peuvent pas attendre pour obéir. C'est comme si Dieu lui-même leur commandait. Ils font cela à cause du service saint qu'ils ont promis, ou bien parce qu'ils ont peur de souffrir loin de Dieu pour toujours, ou bien parce qu'ils espèrent la gloire de vivre avec lui pour toujours.
5 Le Seigneur parle d'eux quand il dit : « Dès que son oreille a entendu, il m’a obéi »(Psaume 17, 45).
6 Il dit aussi à ceux qui enseignent : « Celui qui vous écoute, c’est moi qu’il écoute » (Luc 10, 16).
7 Ces moines obéissants laissent immédiatement leurs occupations et ils renoncent à leur volonté égoïste.
8 Ils lâchent tout de suite ce qu'ils ont dans les mains sans finir ce qu'ils sont en train de faire. Dès qu'ils entendent la voix de celui qui commande, ils mettent leurs pieds en mouvement pour obéir et faire ce qu'on leur ordonne.
9 Ainsi l'ordre donné par le maître et l'acte accompli par le disciple, ces deux choses se réalisent ensemble, très vite et comme en même temps, avec la rapidité inspirée par un respect confiant envers Dieu.

OBÉIR COMME LE CHRIST
10 L'amour presse ces moines de parvenir à vivre avec Dieu pour toujours.
11
C'est pourquoi ils prennent courageusement le chemin étroit. Le Seigneur parle de ce chemin quand il dit : « Il est étroit le chemin qui conduit à la vie » (Matthieu 7, 14).
12
Alors, ils ne vivent plus en suivant leurs idées, ils n'obéissent plus à leurs désirs ou à leurs plaisirs. Mais ils marchent en obéissant à la décision et aux ordres d'un autre. Ils habitent dans un monastère et ils désirent avoir un abbé à leur tête.
13
Oui, c'est sûr, ces moines imitent le Seigneur qui dit : « Je ne suis pas venu pour faire ma volonté mais pour faire la volonté de celui qui m'a envoyé » (Jean 6, 38).

OBÉIR DE BON COEUR
14 Pour que cette façon d'agir soit agréable à Dieu et douce aux hommes, il faut faire ce qu'on ordonne sans peur, sans retard et sans mollesse, sans murmurer et sans refuser.
15
En effet, obéir aux supérieurs, c'est obéir à Dieu. Il a dit lui-même : « Celui qui vous écoute, c’est moi qu’il écoute » (Luc 10, 16). 16 Et cette obéissance, les disciples doivent l'offrir de bon coeur. Oui, « Dieu aime celui qui donne avec joie »(2 Corinthiens 9, 7).
17 C'est pourquoi le disciple qui n'obéit pas volontiers, qui non seulement murmure en paroles mais même dans son coeur,
18
celui-là ne plaît pas à Dieu. Il fait peut-être ce qu'on lui commande, mais Dieu voit son coeur qui murmure.
19
Et pour cette action il ne reçoit aucune récompense. Au contraire, s'il ne se corrige pas et ne répare pas sa faute, il mérite d'être puni comme ceux qui murmurent.

6. GARDER LE SILENCE

1
Faisons ce que dit le Prophète : « Je veux surveiller ma conduite pour ne pas pécher avec ma langue. J'ai mis un frein à ma bouche. J'ai gardé le silence. Je me suis fait petit et je n'ai même pas parlé de choses bonnes » (Psaume 38, 2-3)
2
Voici ce que le Prophète veut montrer. Quelquefois nous devons éviter de parler, même pour dire des choses bonnes. Et cela, par amour du silence. Alors, nous devons encore plus éviter les paroles mauvaises, à cause de la punition que le péché entraîne.
3
Savoir garder le silence est très important. C'est pourquoi, même pour dire des paroles qui sont bonnes, des paroles saintes qui aident les autres, les disciples parfaits recevront rarement la permission de parler.
4
En effet, la Bible dit : « Quand tu parles beaucoup, tu n’évites pas le péché » (Proverbes 10, 19).
5
Et ailleurs : « La langue est capable aussi bien de tuer que de donner la vie » (Pr 18, 21).
6
D'ailleurs, c'est le maître qui parle et qui enseigne. Le disciple, lui, se tait et il écoute. Voilà ce qui convient à l'un et à l'autre.
7
C'est pourquoi, quand on a quelque chose à demander au supérieur, on doit le faire avec humilité et grand respect.
8
Les plaisanteries, les paroles inutiles et qu'on dit seulement pour faire rire les autres, nous les condamnons partout et pour toujours ! Et nous ne permettons pas au disciple d'ouvrir la bouche pour ces paroles-là !

7. DEVENIR HUMBLE

1
Frères, la sainte Bible nous dit avec force : « L'homme qui s'élève sera abaissé et celui qui s'abaisse sera élevé » (Luc 14, 11).
2
Cette parole nous montre ceci : toutes les fois qu'on se fait grand, on est d'une certaine façon orgueilleux.
3
Le Prophète dit qu'il se méfie de cela : « Seigneur, je n'ai pas le coeur fier. Je ne regarde pas les autres avec mépris. Je n'ai pas cherché de grandes choses ni des merveilles qui me dépassent. »
4
Pourquoi donc ? « Voilà : si mon coeur n'est pas humble, si je veux me faire grand, tu vas me traiter comme le petit enfant que sa mère ne nourrit plus de son lait » (Psaume 130, 1-2).
5
Alors, frères, si nous voulons parvenir au plus haut sommet de l'humilité, si nous voulons arriver rapidement à la magnifique hauteur du ciel, le seul moyen d'y monter, c'est de mener une vie humble sur la terre.
6
Pour cela, nous devons dresser l'échelle de Jacob et monter là-haut par nos actions. Oui, pendant qu'il dormait, Jacob a vu les anges descendre et monter le long de cette échelle (Gn 28, 12).
7
Descendre et monter, c'est sûr, voici ce que cela veut dire : quand on se fait grand, on descend ; quand on se fait petit, on monte. 8 Cette échelle qui est debout, c'est notre vie sur la terre.
Et quand notre coeur devient humble, le Seigneur dresse notre vie vers le ciel.
9 A notre avis, les deux côtés de cette échelle représentent notre corps et notre âme. Il y a plusieurs échelons entre ces côtés.
Ce sont les échelons de l'humilité et d'une bonne conduite. C'est Dieu qui les a fixés et il nous invite à les monter.

LE PREMIER ÉCHELON
Fuis l'oubli , Dieu te regarde
10 Le premier échelon de l'humilité pour un moine, qui a toujours devant les yeux le respect confiant envers Dieu, c'est de fuir absolument l'oubli.
11
Il se rappelle à tout moment tout ce que Dieu commande. Il pense sans cesse : ceux qui méprisent Dieu seront loin de lui pour toujours à cause de leurs péchés, et une grande souffrance les brûlera comme un feu. Au contraire, ceux qui le respectent avec confiance Dieu les prépare à vivre avec lui pour toujours.
12
A tout moment, ce moine évite les péchés et les graves défauts : ceux des pensées, de la langue, des mains, des pieds, de la volonté égoïste. Il évite aussi les mauvais désirs du corps.
13
L'homme doit être tout à fait sûr qu'à chaque instant Dieu le regarde du haut des cieux. Partout, Dieu voit ce que l'homme fait et, sans cesse, les anges lui en rendent compte.

Surveille tes pensées
14 Le Prophète nous fait voir cela. Il montre que Dieu est toujours présent à nos pensées et dit : « Dieu regarde au plus profond des reins et des coeurs » (Psaume 7, 10).
15
Et encore : « Le Seigneur connaît les pensées des hommes » (Ps 93, 11).
16
Il dit aussi : « De loin, tu connais mes pensées » (Psaume 138, 3).
17
Et : « Les pensées de l'homme sont très claires pour toi » (Psaume 75, 11).
18
Alors, pour surveiller ses pensées mauvaises, le vrai moine dira toujours dans son coeur : « Je serai sans faute devant Dieu, si je fais attention à ne pas pécher » (Psaume 17, 24).

Surveille ta volonté
19 Notre volonté égoïste, Dieu nous interdit de la suivre. La Bible nous dit : « Tourne le dos à tes volontés » (Siracide 18, 30).
20
Et dans la prière du Seigneur nous demandons : « Fais que ta volonté se réalise en nous ! » (Matthieu 6, 10).
21
Avec raison, on nous apprend à ne pas faire notre volonté. Faisons bien attention aux paroles de la sainte Bible : « Certaines routes semblent droites aux hommes. Pourtant, elles nous conduisent loin de Dieu pour toujours » (Pr 16, 25).
22
Ayons peur aussi de cette parole que la Bible dit pour les négligents : « A force de faire leurs volontés, ils sont devenus très mauvais et complètement corrompus » (Ps 13, 1).                

Surveille tes désirs
23 Quand les mauvais désirs du corps nous tentent, croyons fermement que Dieu est toujours là, près de nous.
En effet, le Prophète dit au Seigneur : « Tout mon désir est devant toi » (Psaume 37, 10).
24
C'est pourquoi nous devons nous méfier du désir mauvais. Oui, la mort est là, juste à l'entrée du chemin qui conduit aux plaisirs. 25 A cause de cela, la Bible nous donne ce commandement : « Ne suis pas tes désirs mauvais » (Siracide 18, 30).

Sois vigilant , car Dieu te regarde
26 « Donc, les yeux du Seigneur regardent avec attention les bons et les méchants » (Proverbes 15, 3).
27
« Du haut du ciel, le Seigneur regarde toujours les enfants des hommes pour voir s'il y a quelqu'un de sage et qui cherche Dieu » (Paume 13, 2).
28
Et les anges qui sont chargés de veiller sur nous présentent sans cesse tous nos actes au Seigneur, jour et nuit.
29
Alors, frères, méfions-nous ! Comme le Prophète le dit dans un psaume, Dieu pourrait nous surprendre à un moment donné en train de tomber dans le péché et de devenir de faux moines (voir Psaume 13, 3).
30
Il est patient avec nous actuellement parce qu'il est bon, et il attend que nous devenions meilleurs. Mais, plus tard, il nous dira peut-être : « Voilà ce que tu as fait, et je n'ai rien dit ! » (Psaume 49, 21).

LE DEUXIÈME ÉCHELON
31 Le deuxième échelon de l'humilité pour un moine, c'est de détester sa volonté égoïste. Alors il n'aime pas satisfaire ses désirs.
32
Au contraire, il imite par ses actions le Seigneur qui a dit cette parole : « Je ne suis pas venu pour faire ma volonté, mais pour faire la volonté de celui qui m'a envoyé » (Jean 6, 38).
33
On a écrit aussi : « Faire sa volonté entraîne la punition. être obligé d'obéir à un autre fait gagner la récompense »
(Actes des Martyrs).

LE TROISIÈME ÉCHELON
34 Le troisième échelon de l'humilité pour un moine, c'est d'obéir parfaitement à un supérieur parce qu'on aime Dieu. Par là, le moine imite le Christ. En effet, l'apôtre Paul dit du Seigneur : « Il a voulu obéir jusqu'à la mort » (Philippiens 2, 8).

LE QUATRIÈME ÉCHELON
35 Le quatrième échelon de l'humilité pour un moine, c'est, dans ce chemin de l'obéissance, de s'attacher très fort à la patience, avec un coeur qui garde le silence, même quand on lui commande des choses pénibles et contrariantes, même s'il faut souffrir l'injustice. 36 C'est aussi de ne pas perdre courage et de ne pas reculer quand il faut supporter tout cela. La Bible dit : « Celui qui restera fidèle jusqu'à la fin, celui-là sera sauvé » (Mt 24, 13).
37
Et encore : « Rends ton coeur fort et attends le Seigneur » (Psaume 26, 14).
38
La Bible veut montrer ceci : celui qui croit en Dieu doit tout supporter pour le Seigneur, même les choses les plus contrariantes. C'est pourquoi elle fait dire à ceux qui souffrent : « A cause de toi, on nous condamne à mort tous les jours. On nous traite comme des brebis qu'on va bientôt tuer » (Psaume 43, 22 ; Romains 8, 36)
39
Mais ces frères sont tout à fait sûrs de la récompense de Dieu qu'ils espèrent. Et, pleins de joie, ils ajoutent : « Dans toutes ces souffrances, nous remportons la victoire à cause de Celui qui nous a aimés » (Romains 8, 36).
40
A un autre endroit, la Bible dit encore : « O Dieu, tu nous as mis à l'épreuve, tu nous as fait passer par le feu, comme on fait passer l'argent par le feu. Tu nous as fait tomber dans un piège. Sur notre dos tu as mis des poids très lourds » (Psaume 65, 10-11). 41 Et pour montrer que nous devons être sous l'autorité d'un supérieur, la Bible continue en disant : « Tu as placé des hommes au-dessus de nos têtes » (Psaume 65, 12).
42
C'est par la patience que ces moines accomplissent le commandement du Seigneur au milieu des souffrances et des injustices. On les frappe sur une joue, ils présentent l'autre. On prend leur vêtement, ils donnent celui qui leur reste encore. On leur demande de faire un kilomètre, ils en font deux (Mt 5, 39-41).
43
Avec l'apôtre Paul, ils supportent les faux frères (2 Co 11, 26). Et à ceux qui leur jettent des malédictions, ils répondent par des bénédictions (1 Co 4, 12).

LE CINQUIÈME ÉCHELON
44 Le cinquième échelon de l'humilité pour un moine, c'est d'avouer humblement à son abbé toutes les pensées mauvaises qui arrivent à son coeur ou bien les fautes qu'il a faites en secret, sans rien lui cacher.
45
La Bible nous invite à faire cela quand elle dit : « Découvre ta conduite au Seigneur et espère en lui » (Psaume 36, 5).
46 Elle dit aussi : « Avouez vos fautes au Seigneur, parce qu'il est bon et sa tendresse dure toujours » (Psaume 105,1).
47
Le Prophète dit encore : « Je t'ai fait connaître mon péché et je n'ai pas caché mes fautes.
48 J'ai dit : A haute voix je présenterai mes fautes devant toi, Seigneur, et toi, tu as pardonné à mon coeur
coupable » (Psaume 31, 5).

LE SIXIÈME ÉCHELON
49 Le sixième échelon de l'humilité pour un moine, c'est d'être content de la condition la plus ordinaire et la plus basse.
Dans tout ce qu'on lui ordonne de faire, il pense qu'il est un ouvrier mauvais et incapable.
50
Il dit avec le Prophète : « Je ne suis plus rien du tout et je ne sais rien. Je suis comme une bête devant toi.
Pourtant, moi, je suis toujours avec toi » (Psaume 72, 22-23).

LE SEPTIÈME ÉCHELON
51 Le septième échelon de l'humilité pour un moine, ce n'est pas seulement de dire avec la bouche : « Je suis le dernier et le plus misérable de tous », c'est aussi de le croire du fond du coeur.
52
Le moine se fait petit et dit avec le Prophète : « Et moi, je suis un ver et non pas un homme. Les gens se moquent de moi, le peuple me rejette » (Psaume 21, 7).
53
« Je me suis élevé, puis on m'a abaissé. et je suis couvert de honte » (Psaume 87, 16).
54
Le Prophète dit encore : « Tu m'as abaissé. Pour moi, c'est une bonne chose. Ainsi, j'apprends tes commandements »
(Psaume 118, 71).

LE HUITIÈME ÉCHELON
55 Le huitième échelon de l'humilité pour un moine, c'est de faire ce que la Règle commune de son monastère et les exemples des anciens l'invitent à faire, et rien d'autre.

LE NEUVIÈME ÉCHELON
56 Le neuvième échelon de l'humilité pour un moine, c'est d'interdire à sa langue de parler, c'est de garder le silence et de se taire jusqu'à ce qu'on l'interroge.
57
En effet, la Bible enseigne ceci : « Quand on parle beaucoup, on n'évite pas le péché » (Proverbes 10, 19).
58
Et : « Le bavard ne sait pas se conduire sur cette terre » (Ps 139, 12).

LE DIXIÈME ÉCHELON
59 Le dixième échelon de l'humilité pour un moine, c'est de ne pas rire trop facilement et pour n'importe quoi. En effet, la Bible dit : « C'est l'homme stupide qui éclate de rire » (Siracide 21, 23).

LE ONZIÈME ÉCHELON
60 Le onzième échelon de l'humilité pour un moine, c'est de parler doucement et sans rire, humblement, avec sérieux, en peu de mots, avec des paroles de bon sens. Il ne criera jamais.
61
Quelqu'un a dit : « On reconnaît un homme sage au peu de paroles qu'il dit. »

LE DOUZIÈME ÉCHELON
62 Le douzième échelon de l'humilité pour un moine, c'est non seulement d'être humble dans son coeur, mais encore de le montrer à tout moment dans son attitude devant ceux qui le voient vivre.
63
Pendant le Service de Dieu, à l'oratoire et dans le monastère, au jardin et en chemin, dans les champs et partout où il se trouve, assis, debout ou en marche, le moine a toujours la tête penchée et il regarde vers la terre.
64
A tout moment, il se juge coupable de ses péchés. Il pense qu'il est déjà devant le terrible tribunal de Dieu.
65
Dans son coeur il répète les paroles du publicain de l'Évangile. Il disait en gardant les yeux fixés vers la terre : « Seigneur, je ne suis pas digne de lever les yeux vers le ciel, parce que je suis un pécheur » (Luc 18, 13).
66
Avec le Prophète il dit aussi : « Je me tiens courbé et je me fais tout petit » (Psaume 37, 7 et 9).
67
Alors, quand le moine a monté tous ces échelons de l'humilité, il parvient bientôt à aimer Dieu d'un amour parfait. Et quand l'amour de Dieu est parfait, il chasse la peur dehors (1 Jean 4, 18).
68
Quand le moine aime de cette façon, tout ce qu'il faisait avant avec une certaine crainte, il commence à le pratiquer sans aucune peine, comme si c'était naturel et par habitude.
69
Il n'agit plus parce qu'il a peur de souffrir loin de Dieu pour toujours. Mais il agit parce qu'il aime le Christ, qu'il a pris de bonnes habitudes et qu'il goûte la douceur de faire le bien.
70
Voilà ce que le Seigneur voudra bien montrer, par l'Esprit Saint, dans son ouvrier purifié de ses penchants mauvais
et de ses péchés.